lundi 26 mai 2014

le hamac et l'église

             Après trois jours de prospection nous avons enfin trouvé de la corde pour notre hamac, la précédente s’étant révélée trop élastique. Nous avions cherché dans trois centres commerciaux différents et c’est finalement dans une petite boutique du centre que nous nous la sommes procurée. Impossible par contre de mettre la main sur du gaz. Il nous en reste un peu, de quoi tenir quelques jours. Même problème pour les péloches, nous allons devoir rationner notre appétit d’images.
            Sommes partis de Sarajevo hier, abandonnant notre chambre louée au cœur du quartier Ottoman, Barscasjia. Cette nuit nous avons dormi dehors, 10 kms au sud de Sarajevo. Levé 6h30, une vieille dame nous aperçoit dormant par terre, rigole et nous invite à nous réchauffer et à boire un thé.
           Hier le stop a été un échec total, les 10 kms nous les avons parcourus à pieds, les sacs lourds sur le dos. Ce matin cinq voitures sont passées, la sixième s’est arrêtée. Le conducteur, un belge, fait un détour de 10 kms pour nous avancer jusqu’à Trnovo.
           Trnovo, le temps de manger une pomme que nous avait donné la dame de ce matin, et c’est reparti. 3h de route, on dépasse Foca et nous voilà sur la route de Dubrovnick. Retour à la Méditerranée. Nous sommes en Herzégovie, les paysages sont splendides. Nous avons vu défiler les couleurs d’automne, le jaune or des hauts plateaux, l’immensité de la plaine et enfin la sécheresse caillouteuse de la Méditerranée.
              Frontière Bosnie-Croatie, au-dessus de Dubrovnick. Dernières cigarettes, derniers marks. Reste un billet de 20 euros inutilisable ici et un paquet plein de tabac à pipe infumable. On nous offre un café à la terrasse d’un restaurant vide, dans une ville vide. Le vent désole le paysage de montagnes chauves, le soleil réchauffe ce qui peut l’être. Ljubovo, petit hameau perdu au milieu d’une zone minée. Quelques ruches, un chien, un cheval, un apiculteur. Poste frontière bosniaque. Les douaniers rigolent et au lieu de contrôler nos papiers, comme l’aurait fait n’importe quel douanier, l’un d’eux mime une guitare et chante frère Jacques en français.
           Des chiens attendent  au soleil devant la barrière du poste, l’un d’eux nous suit et passe la frontière croate avec nous. Nous l’avons baptisé ‘frère jacques’ Pause bivouac entre l’église et le cimetière. Sans doute dormirons-nous ici ce soir. Tous les trois, Nadine, moi et ‘frère jacques’.

la dégringolade


                Alors que nous dégringolions les Balkans à toute berzingue poursuivis par l’hiver imbécile nous trébuchâmes à Tirana et glissâmes jusqu’à Athènes. Mettant ainsi une bonne longueur d’avance à l’impitoyable vague de froid qui prenait tant de plaisir à nous glacer les os. 


                Quatre jours ainsi sont passés sous le soleil d’Athènes entre les marchés aux mille saveurs et les gaz lacrymogènes aux yeux qui pleurent. Fuyant ce désordre et ce chahut, nous primes notre élan et sautâmes par-dessus la mer Egèe pour atterrir sur le sable chaud de la Crête. Accueillis par mes amies Katerina et Marya, passés une semaine dans un lit et au chaud. 


                  Puis ce fut reparti pour la vie de sac à dos. Une semaine de flânerie, d’errance, sur les plages entre Chamia et Kissamos. Et nous voilà partis sur l’E4 chemin de randonnée qui traverse l’île de long en large. Nous voulons faire la partie qui va de Kissamos à Pâleochora au sud. Deuxième jour de marche et la pluie qui nous avait épargné depuis Ljubljana nous a rattrapés et assaillis et acculés dans la remise d’une église. Après sa messe de 16h30, le pope nous a découvert dans son dépôt, où il venait ranger les cierges consumés. Désabusé, plein d’embarras et dans une hésitation paniquée, il nous a accordé à contre-cœur le privilège de dormir dans cet abri de fortune. Plein de cierges et de candélabres, remplie d’une forte odeur de produits chimiques. Au moins  nous n’avions plus à craindre ni la pluie ni le vent. 

    
                 Le lendemain l’averse que nous avions cru tromper nous a finalement rincés et trempés. Sans doute Dame nature s’est elle vengée d’un dieu qu’elle n’a pas créé de nous avoir fourni un abri. Ou alors ironie du sort était-ce Zeus qui n’aime pas qu’on se moque de lui. Bref un peu de pain et de fromage frais de chèvre offerts par des villageois nous réchauffèrent le cœur et guidèrent nos pas vers des climats plus cléments. 
                 
                   Et cette fois-ci la chance était de notre côté. Au soir de cette journée de marche alors que nous cherchions un endroit où passer la nuit, un agriculteur crétois passant par là nous invite à monter à l’arrière de son pick-up pour nous emmener au sud à Elafonisi ! Folle ballade motorisée sur les routes sinueuses des montagnes de crête, puis revoilà la mer bleue, impérieuse, immense. Argentée là où le soleil la caresse. Elle est ici omniprésente. Elle s’étend au nord dans la baie de Kissamos, on la quitte un instant pour la retrouver au détour d’une colline, régnant sur l’Est, écrasant le paysage de par son étendue. 

                 Les 40 kilomètres rapidement avalés grâce au pick-up, nous ont transportés en terre aride, couverte de serres immenses où poussent toute l’année des tomates que l’on retrouve  à 1 euro 50 le kilo au supermarket du coin…. On fait le plein d’eau, on lasse nos groles et on entame le bout de E4 qui quitte le monde civilisé pour serpenter entre falaises et mer.  


                On quitte la terre des Hommes, on pénètre en territoire chèvres. Partout on voit leurs traces de pas, leurs crottes. De temps à autre, elles se profilent au sommet d’une falaise, on en aperçoit une qui nous observe. Indienne. Poils au vent. Petit chevreau bondissant. Cinq heures durant nous nous sommes ainsi sentis épiés par-dessus un rocher ou du haut des falaises. Parfois c’est nous  qui les surprenions, un groupe broutant les rares herbes qui poussent sur la plage. Elles prenaient alors la fuite, bondissantes comme des, comme des... comme des chèvres ! 

               Sixième heure de marche, nous descendons dans une crique splendide. Empreinte de bâtiment, colonne de marbre renversée, des vestiges grecs….Encore deux heures de marche et nous voilà à Paléochora, sur la plage. Une nuit a passé et me voilà vous écrivant cette lettre pleine de bisous.